Commentaires sur l’article « Impact of farming systems on soil ecological quality : a meta‑analysis »

Commentaires sur l’article « Impact of farming systems on soil ecological quality : a meta‑analysis »

Impact des systèmes agricoles sur la qualité écologique des sols : une méta‑analyse

Demeter communique sur une étude scientifique (via une synthèse de M. Quantin de l’association Biodynamie Recherche, et relu par les co-auteurs) qui soutient que la biodynamie aurait des impacts significatifs par rapport à l’agriculture biologique.

Leur conclusion est la suivante :

Agriculture biodynamique > agriculture biologique ≥ agriculture de conservation > agriculture conventionnelle.

L’agriculture biodynamique apparaît comme le mode de culture avec le meilleur impact sur les qualités écologiques du sol. 70% des indicateurs biologiques mesurés en biodynamie sont supérieurs à l’agriculture conventionnelle, et 52% des indicateurs microbiologiques sont supérieurs à l’agriculture biologique

Nous avons donc contacté Patrick Vincourt (ancien directeur de recherche à l’INRAE en génétique et amélioration des plantes) afin qu’il analyse cette étude.

Qu’en est-il vraiment ?
Est-ce que cette étude/méta-analyse est solide ?
Est-ce que sa conclusion sera la même ?

Christel, A., Maron, PA. & Ranjard, L. Impact of farming systems on soil ecological quality: a meta-analysis. Environ Chem Lett, 19, 4603–4625 (2021).
https://doi.org/10.1007/s10311-021-01302-y

Cet article de revue est présenté comme une méta-analyse, mais ce terme n’est utilisé que dans le titre, et à aucun moment la méthodologie appliquée n’est décrite. En général, dans une méta-analyse, à l’écart entre deux catégories sont associés un intervalle de confiance et une p-value correspondant à la probabilité de rejet à tort de l’hypothèse nulle : il n’en est nulle part question ici. Dans les publications qui s’appuient sur des méta-analyses, un paragraphe au moins est consacré à la description du modèle utilisé (par exemple, SI Methods de la publication https://doi.org/10.1073/pnas.1500232112[1]). 

On s’intéressera dans la suite à la comparaison { #bio / #biodynamie }, qui est la seule, parmi toutes les comparaisons décrites, à permettre de juger de l’effet des pratiques spécifiquement liées à la biodynamie (préparations, etc. ).

Comparaisons entre bio et biodynamie

Dans la Figure 9, on peut dénombrer 10 cas où la biodynamie est considérée comme supérieure au bio, 14 cas où les deux pratiques sont jugées équivalentes (i.e. sur le cercle rouge), et 3 cas où le bio est jugé supérieur à la biodynamie.

Dans ces conditions, d’où provient le résultat « Generic trends are highlighted for microorganism parameters. Microorganism abundance is enhanced in biodynamic farming as compared to organic farming, with an increase in 71% of the abundance measurements. Microorganism activity is also more stimulated in biodynamic farming than in organic farming: 54% of the measurements show a positive effect [2]» ?

Des tendances génériques sont soulignées pour les paramètres associés aux microorganismes. L’abondance des microorganismes est améliorée dans le système d’exploitation biodynamique, en comparaison au système organique (« bio », NDLR), avec une augmentation de 71% des mesures d’abondance. L’activité des microorganismes est également davantage stimulée par le système biodynamique : 54% des mesures montrent un effet positif.

[2] Proposition de traduction

A partir des 423 publications retenues dans un premier temps pour participer à la méta-analyse, seulement environ cent sont sélectionnées, sur un critère insuffisamment décrit : « We read the abstracts and kept those that favoured a vision of the farming systems as a whole[3]», mais très significatif de la démarche holistique de la biodynamie (« a holistic approach to nature [4]»). 
Dans quelle mesure cette sélection assez drastique influence t’elle les résultats obtenus ?

Nous avons lu les résumés et conservé ceux qui favorisaient la vision des systèmes d’exploitation comme un tout

[3] Proposition de traduction

une approche holistique de la nature

[4] Proposition de traduction

Influence de la sélection sur les résultats

Parmi les pays européens, la Suisse est la plus représentée (14%) au sein des études prises en compte.  Mais on se demande comment les reviewers ont pu laisser passer le commentaire « This result shows that the countries with the greatest agricultural production and those proposing the highest number of study sites overlapped[5]» : la SAU de la Suisse est de 1.0 millions d’hectares, quand celles de la France et de l’Allemagne sont de 27.8 et 16.7 Mhas, respectivement, en 2016.

Ce résultat montre que les pays avec la production agricole la plus importante et ceux proposant le plus grand nombre de sites d’étude se recouvrent

[5] Proposition de traduction

S’agissant des études conduites en Suisse, on notera le poids et la référence explicite dans le texte au dispositif pluriannuel « DOK-trial » (Mäder et al., 2002, https://doi.org/10.1126/science.1071148[6] ).  Les résultats de ce dispositif ont déjà fait l’objet de commentaires [7], notamment  sur le fait que nombre de critères ne sont l’objet que d’une année de mesure (et un seul lieu).

Conclusion

En synthèse, nous reprendrons une des conclusions des auteurs : « Data on biodynamic farming and organic farming need to be consolidated. Certain practices like reduced tillage or organic fertilisation can explain the positive global impact of biodynamic farming on the soil ecological quality. However, the effects of other, harder to investigate practices—especially biodynamic preparations, the farmer’s technicity, or the influence of the application date—still remain to be demonstrated[8] ».

Les données sur les systèmes biodynamique et organique (« bio », NDLR) ont besoin d’être consolidés. Certaines pratiques telles que la réduction du labour ou la fertilisation organique peut expliquer l’impact globalement positif du système biodynamique sur la qualité écologique des sols. Toutefois, les effets d’autres pratiques difficiles à analyser – particulièrement les préparations biodynamiques, la technicité de l’agriculteur ou l’influence de la date d’application – reste à démontrer.

[8] Proposition de traduction

Écrit par Patrick Vincourt
Ancien directeur de recherche (INRAE) en génétique et amélioration des plantes

Retrouvez cet article aussi sur le site d’AgriGenre


[1] Voir aussi « In a meta-analysis, one article is not used as a parameter to support a hypothesis. It is not a method for counting positives or negatives (simple ‘vote counting’), the studies have weights assigned to them, which vary according to their variance and sample number. Studies with very high deviations or low sample numbers have less weight, generating a statistically reliable result (Fagard et al., 1996; Glass, 1976; Lovatto et al., 2007), as explained in the methodology. » (https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2021.147517)
[6] Voir aussi la description complète du dispositif DOK
[7] https://twitter.com/PVincourt/status/1165989875386114048

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