Préoccupante influence de l’anthroposophie en Alsace, entretien avec l’élue Pernelle Richardot

Préoccupante influence de l’anthroposophie en Alsace, entretien avec l’élue Pernelle Richardot

Lors de notre entrevue avec Pernelle Richardot, conseillère municipale à Strasbourg, elle nous a exposé en détail les problématiques liés à l’anthroposophie et ses écoles Steiner-Waldorf. Ces écoles ont été épinglées par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) pour des risques potentiels de dérives sectaires. Les différents rapports de la Miviludes ont jeté une lumière crue sur celles-ci. Ils ont permis d’éveiller l’attention des autorités et du public sur les pratiques internes de ces établissements scolaires. Des inquiétudes ont été soulevées quant à la conformité aux normes éducatives et à leur respect des principes de la République.

Une majorité des parents qui choisissent une école alternative sont en quête de solutions pour leurs enfants, parfois suite à des difficultés rencontrées avec l’éducation nationale. Cependant il y a une confusion persistante entre les écoles Steiner-Waldorf à l’approche occultiste, et d’autres établissements appliquant des méthodes alternatives, telles que Montessori ou Freinet. 

Dans le paysage éducatif alsacien, les écoles Steiner-Waldorf ont toujours occupé une place particulière en raison de leur longue tradition, enracinée dans la proximité avec la Suisse, l’Allemagne et diverses influences culturelles. Cependant, ces écoles ont récemment été plongées dans un débat intense concernant leur pédagogie anthroposophique et les préoccupations croissantes quant à leur fonctionnement interne.

Subventions par la maire de Strasbourg

Pernelle Richardot, en tant qu’élue de la République, a exprimé ses préoccupations lors d’une réunion du conseil municipal de Strasbourg le 10 mai concernant les écoles Steiner en Alsace. Elle a souligné la concordance des rapports émis par la Miviludes et a plaidé pour l’application du principe de précaution. Son appel visait à suspendre temporairement une subvention de 12 000 € destinée au jardin d’enfants Michaël Steiner-Waldorf, en attendant de nouveaux rapports ou des clarifications de la Miviludes.

« Nous sommes dans notre rôle d’élu de la République. Comme on s’interrogerait sur l’implantation d’une école tenue par des fondamentalistes musulmans, on s’interroge sur une école où on nous dit qu’il y a des retards dans l’enseignement, sur les choses qui sont enseignées, la manière dont elles sont enseignées, et les subventions publiques. »

Cependant, la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian a rejeté cette demande. De plus, elle a également rejeté l’idée d’un vote séparé, ceci malgré la demande insistante des communistes, des socialistes, des républicains et du groupe des Marcheurs. Un vote séparé qui aurait permis une évaluation plus équitable et éclairée des subventions accordées, et qui aurait ainsi permis aux membres du conseil municipal de se prononcer spécifiquement sur celle de l’école Michaël.

Face à ce refus, Pernelle Richardot a pris l’initiative de saisir personnellement la Miviludes afin d’obtenir une évaluation approfondie de la situation.

Le refus de la maire de Strasbourg a suscité des interrogations quant aux motivations derrière cette décision. En effet, Mme Richardot s’interroge aussi sur les liens étroits qu’il pourrait y avoir entre la municipalité et l’anthroposophie, soulevant ainsi des questions sur un possible soutien idéologique au mouvement anthroposophique par certains élus Verts. Europe Écologie Les Verts (EELV) est d’ailleurs l’unique parti politique ayant refusé de participer aux premières assises sur les dérives sectaires organisées en mars par Sonia Backès, Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur en charge de la Miviludes.

« Il semble y avoir une ramification historique et un soutien idéologique entre les municipalités Europe Écologie Les Verts et l’anthroposophie, tout comme chez les Grünen en Allemagne. »

En outre, l’élue s’étonne du silence concernant l’idéologie du mouvement anthroposophique : “Il y a quand même un truc incroyable. Rudolf Steiner était racialiste à l’idéologie völkisch et à l’inspiration de doctrines national-socialiste. Et je trouve incroyable qu’aujourd’hui il y ait des écoles qui lui servent et que personne ne le dise”.

Suite à l’ouverture de sa saisine à la Miviludes, Pernelle Richardot a fait face à des réactions hostiles aux propos complotistes, des insultes et diverses accusations infondées.

« On a eu des courriers qui nous disaient que les élus qui ont voté contre les subventions n’ont rien compris, qu’il y a un complot maçonnique contre eux. Je me suis fait insulter sur les réseaux sociaux. On m’a dit que j’étais à la solde de la maçonnerie, et parlé d’officine concernant la Miviludes. C’est surréaliste ! Il y a une phraséologie typique d’un mouvement qu’on dérange. On n’est pas loin du complot judéo-maçonnique habituel. »

Témoignages alarmants

Après l’incident qui s’est produit deux semaines plus tard à l’école Steiner-Waldorf Mathias Grunewald près de Colmar, les inquiétudes de Pernelle Richardot sur ce qui se passe dans ces écoles ont été renforcées.

Ses prises de position publiques dans la presse et sur les réseaux sociaux ont suscité l’intérêt de parents qui l’ont contactée afin de témoigner de leurs propres expériences, de leur solitude et inquiétudes concernant ces établissements. Elle a rapporté que certaines écoles Steiner-Waldorf ne semblent pas avoir respecté les protocoles liés à la pandémie de Covid-19. D’autres n’ont pas rendu hommage à Samuel Paty, invoquant la protection des élèves contre les influences extérieures, même lorsque cette initiative faisait partie d’une directive ministérielle pour toutes les écoles sous contrat.

Mme Richardot a également soulevé ses préoccupations concernant la pédagogie et l’idéologie anthroposophiques appliquées dans ses écoles. Elle nous a partagé des témoignages troublants, comme “le singe descendrait de l’homme” et “la fleur se pense fleur avant d’être fleur”, qui y sont enseignées. Ces enseignements issus de l’occultisme de Rudolf Steiner reflètent “une déconnexion volontaire” avec les connaissances scientifiques établies, soulevant ainsi des doutes sur la qualité et l’exactitude de l’éducation dispensée. Un constat aussi souligné par Marie-Françoise Chavanne, ancienne doyenne des inspecteurs de l’académie de Versailles et chargée d’une mission de prévention de dérives sectaires.

« Tant que les parents ne posent pas de questions, qu’ils sont dans les cercles favorables à l’anthroposophie, celle de la Communauté des Chrétiens de l’anthroposophie, et adeptes de thèses pseudo-scientifiques véhiculées par le mouvement (naturopathie, biodynamie, etc) tout semble bien se passer. »

L’engagement des parents au sein des écoles Steiner est fortement sollicité. Mais cela peut également être source de pression sociale et de limitation des cercles d’amitié. “Ils témoignent que leur cercle d’amitié s’est grandement réduit, ils ressentent une pression sociale exercée sur eux, même en dehors de l’école”, souligne Pernelle Richardot.

Des familles lui ont parlé de la rhétorique et du vocabulaire spécifiques utilisés, s’étonnent de l’impossibilité de rencontrer un professeur en tête-à-tête sans qu’une tierce personne prenne des notes à côté, mais aussi de n’avoir jamais reçu de réponses satisfaisantes à leurs questions. Tout cela créant pour ces parents une atmosphère d’opacité alimentant malaises et interrogations. Dans ce contexte, les parents sont souvent confrontés à un dilemme: se taire, minimiser leurs interrogations et s’intégrer pleinement dans le cercle de l’école et de son idéologie, ou bien se retirer de l’école en quête de meilleures alternatives.

Pressions et ostracisme

Pernelle Richardot nous a également révélé des témoignages selon lesquels les familles qui osent exprimer ouvertement leurs préoccupations peuvent facilement subir des pressions intenses. Des parents qui se sentent alors pris au piège à partir du moment qu’ils commencent à se questionner, qui se rendent compte qu’il y a des choses qui ne vont pas, ou qui remettent en doute une pratique éducative. C’est alors que leur enfant est mis en difficulté dans l’école. Il subit alors brimades et harcèlements. Les parents, quant à eux, se retrouvent isolés et marginalisés. 

« D’ailleurs les deux familles de Colmar qui ont porté plainte subissent des pressions hallucinantes et font face à un ostracisme monstrueux. »

L’intervention de Pernelle Richardot permet de mettre en évidence l’importance du rôle des élus dans la surveillance des pratiques éducatives et l’allocation des subventions publiques. Les révélations et témoignages qu’elle a recueillis soulèvent des questions sérieuses sur des dérives sectaires possibles. Son engagement dans ce dossier souligne l’importance de protéger les droits de l’enfant, le respect de la liberté de pensée des parents et leur droit à une information claire et transparente qui sont des valeurs essentielles à préserver dans toute institution éducative. Face à cette situation complexe, il est crucial que les autorités éducatives, en collaboration avec des organismes comme la Miviludes, poursuivent leurs enquêtes sur les écoles Steiner-Waldorf en Alsace afin d’éclaircir des pratiques en vigueur particulièrement alarmantes.

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