Révélations troublantes lors de contrôle dans une école Steiner-Waldorf. Une doyenne des inspecteurs témoigne

Révélations troublantes lors de contrôle dans une école Steiner-Waldorf. Une doyenne des inspecteurs témoigne

Dysfonctionnements pédagogiques, lacunes éducatives, savoirs erronés, dissimulations, rituels ésotériques, pratiques dangereuses…

Marie-Françoise Chavanne, ancienne doyenne des inspecteurs de l’académie de Versailles et chargée d’une mission de prévention de dérives sectaires en 2013, nous a accordé un entretien afin de nous transmettre son expertise sur les écoles alternatives à pédagogie Steiner

Du fait de son expérience nous avons échangé sur le déroulement du contrôle à l’école Steiner-Waldorf de Verrières-le-Buisson, et sur les constats auxquels elle a été confrontée. 

Avant d’opérer des “contrôles”, les inspections étaient prévues à l’avance et annoncées aux écoles. Cela permettait aux établissements de se préparer minutieusement, voire de masquer d’éventuelles lacunes ou problèmes. Cela a changé au moment où Mme Chavanne a été chargée de cette mission de prévention des phénomènes sectaires, ce qui a permis de révéler de nombreuses failles au sein de divers établissements. 

C’est en 2013 que le ministère a mandaté Mme Chavanne afin de mener un contrôle à l’école Steiner-Waldorf de Verrières-le-Buisson. “Suite à notre contrôle inopiné, l’école a envoyé une lettre au rectorat s’étonnant que cette inspection n’ait pas été annoncée”, révèle Mme Chavanne. L’établissement semblait choqué par le fait que l’inspection ait été menée sans préavis, remettant en question la légitimité de la démarche. Toutefois, Mme Chavanne souligne que des inspections similaires étaient parfaitement légales et ont aussi été réalisées pendant son mandat dans d’autres types d’écoles privées hors contrat, telles que les écoles musulmanes et de la communauté Saint Pie X.

Cette mission, mandatée par le ministère, était sans doute indirectement liée à la saisine de Grégoire Perra et à son procès intenté par l’école suite à son témoignage sur le site de l’Unadfi. Cependant aucun membre du groupe d’inspecteurs n’était informé de cette situation. L’un des objectifs était de vérifier la véracité et la pertinence de ses signalements, “d’ailleurs les constats ont permis de renforcer ses propos” [1].

Le déroulement de l’inspection a révélé des pratiques troublantes et des lacunes éducatives ont été mises en évidence

En poursuivant son récit, Marie-Françoise Chavanne nous détaille le déroulement de l’inspection et décrit une situation tendue dès le début de la visite. “À 8h du matin, on était tous devant l’entrée. Nous étions 11 inspecteurs pour faire ce contrôle”. Toutefois, elle souligne avoir été confrontée rapidement à une tentative de refus, avec l’avocat de l’école qui s’est manifesté dans les dix minutes. Malgré cette pression, elle était confiante, présentant la saisine sachant que tout était en règle et conforme aux procédures.

C’est lors de cette inspection approfondie qu’elle nous dit avoir véritablement découvert les spécificités de l’enseignement Steiner. Elle évoque les rituels, les privations et les erreurs constatés. Elle reconnaît qu’elle n’avait pas imaginé à quel point ces problèmes étaient prédominants. Ainsi pour remédier à cette situation, Mme Chavanne indique avoir collaboré étroitement avec la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) afin de mettre en place un protocole précis.

Le rapport consécutif à ce contrôle de l’école de Verrières-le-Buisson a mis en évidence des lacunes, des déficits et des privations au niveau de l’apprentissage et de l’acquisition des compétences.

« On a beau dire du mal de l’Éducation Nationale en France, néanmoins, on travaille sur des compétences à développer, sur le temps, sur la durée. Et ces compétences, définies par la Loi relèvent aussi bien des pratiques, que des connaissances, que des attitudes d’apprentissage. »

Mme Chavanne souligne que certaines écoles privées hors contrat, y compris des écoles Steiner-Waldorf, semblent méconnaître complètement les compétences requises. En omettant de fournir les conditions propices à leur apprentissage, ces écoles alternatives mettent en péril des aptitudes essentielles telles que la lecture, la réflexion, la recherche, l’expression orale… De plus, elle alerte également sur des contenus fallacieux présents dans de nombreuses écoles privées, et où l’endoctrinement repose sur des vérités qui n’ont rien de scientifiques. “On peut respecter les croyances, mais les savoirs restent des savoirs”, ajoute-t-elle.

« Je n’ai pas trouvé cette démarche de questionnement, de réflexion et d’interrogations dans les réponses données par l’école Steiner contrôlée. »

L’inspection à l’école de Verrières-le-Buisson s’est poursuivie avec un diagnostic complet pour toutes les classes. Cependant, à 10h, une alerte incendie s’est déclenchée, interrompant brusquement l’inspection, “on s’est donc tous retrouvés dehors”.

Puis l’équipe d’inspection a procédé à un débriefing complet et a transmis dans un rapport ses commentaires et observations au recteur, à l’école ainsi qu’au ministère.

Rituels ésotériques et manque de distinction entre croyances et connaissances

L’inspection menée par Marie-Françoise Chavanne et son équipe a permis de recueillir de nombreux éléments révélateurs de la pédagogie anthroposophique. Les inspecteurs ont eu l’occasion d’interroger les élèves et d’observer de près divers aspects de l’établissement. “On avait vraiment exploité tout ce qu’on pouvait voir, les livres, les bibliothèques, les cahiers. Nous avons repéré des contenus racistes et des réflexions sur les valeurs, qui présentent le risque d’être facilement acceptés”, nous confie-t-elle.

« Les propos racistes, la supériorité de l’enfant blond, l’enfant noir dans la brousse… quelle étrange vision donnée par les images qui s’avèrent stigmatisantes! Lors de tout contrôle, il est primordial, en effet, de vérifier ce qui est donné à lire aux élèves. »

Concernant l’eurythmie, Mme Chavanne explique que, à l’époque, l’équipe d’inspection n’avait pas conscience des rituels d’endoctrinement ou ésotériques associés. Les élèves effectuaient des gestes et des mouvements dansants, mais les inspecteurs n’avaient pas les clés pour décoder ces pratiques. Les responsables de l’école ont omis de fournir aux inspecteurs les explications et sens de ces rituels.

La poésie récitée lors de la mise en route de la classe (“Le Givre” de Maurice Carême, qui n’était pas cité) avait un caractère impressionnant et quasi-ensorcelant. Les élèves répétaient collectivement les paroles ritualisées.

« Les élèves sont debout, frappent le sol du pied, battent des mains et font des claquements de langue pendant que la maîtresse dit “Mon Dieu ! Comme ils sont beaux, les tremblants animaux que le givre a fait naître la nuit sur ma fenêtre”. Et les élèves répètent collectivement la poésie, comme un rituel, une psalmodie envoûtante. »

« On est dans la ritualisation complète d’un apprentissage qui évoque une pratique ésotérique. »

Ces passages soulèvent nettement des questions sur la pertinence de ces rituels anthroposophiques dans le cadre de l’apprentissage des connaissances. Mme Chavanne insiste sur le fait qu’il n’y a aucune distinction claire entre la connaissance et la croyance, les mythes et les légendes devenant le cœur des apprentissages. Dans la mesure où la connaissance est reléguée au second plan, “on est bien dans une idéologie où la croyance est plus forte que tout ce qui pourrait être attesté scientifiquement”, soulignant également que les manques importants concernant les compétences attendues renvoient à une privation d’instruction.

La situation des enfants en difficulté

L’inspection menée par l’équipe d’inspecteurs s’est révélée incomplète n’étant pas informée de l’existence de l’association La Cape. Il s’agissait d’une petite structure sur le terrain de cette école, un peu à l’écart, qui fonctionnait comme une classe pour enfants présentant des problèmes d’apprentissage ou de comportement. Cependant, cette association n’était pas déclarée comme école mais comme lieu d’enseignement associatif, mais prenait en charge des élèves.

Le véritable scandale a éclaté lorsque l’on a découvert que trois ou quatre jeunes élèves de La Cape auraient été victimes d’agressions sexuelles de la part d’un de leurs camarades. Il semblerait qu’au lieu de traiter cette situation comme étant préoccupante, conformément à la loi, l’établissement aurait tout simplement renvoyé les quatre jeunes enfants. Aucune enquête sérieuse ne semble avoir été menée, ce qui a amené certains parents à porter plainte auprès du procureur [2].

L’inspection académique a diligenté un contrôle de la situation. Une inspection a eu lieu, confirmant les inquiétudes. Pour ces jeunes élèves placés dans cette classe, aucun diagnostic officiel de leurs handicaps ou de leurs difficultés d’apprentissage n’aurait été établi. Peu de temps après, l’association a fermé pour des raisons financières.

Cette affaire révèle des défaillances dans la protection des enfants et le suivi des élèves à difficultés d’apprentissage. Le manque de diagnostics et de prise en charge adaptée pour les enfants de La Cape souligne une négligence éducative.

Faits d’actualité

Nous interrogeons Mme Chavanne sur l’incident survenu récemment dans l’école près de Colmar, auquel nous avons consacré un article, et où un feu a été allumé en classe afin que les élèves inhalent la fumée et goûtent aux cendres. Elle critique très sévèrement cette situation, “sommes-nous face à une seule ou à plusieurs enseignants guidés par une conviction profonde du bien fondé d’une telle pratique? Je pense que cette enseignante n’a pas vu malice. Pensait-elle en toute inconscience et crédulité que c’était une expérience utile? Étouffer, tousser, cracher et inhaler des fumées, non, ce n’est pas utile. Elle aurait dû le savoir. C’est une mise en danger réelle”.


[1] Grégoire Perra a été relaxé de l’ensemble des six procédures juridiques engagées contre lui.
[2] Nous avons cherché à nous renseigner au sujet de cette affaire d’agressions sexuelles mais nous n’avons trouvé aucun élément. Nous ne pouvons donc présumer des faits qui se seraient passés. Nous sommes prêts à compléter, modifier ou rectifier si des informations complémentaires nous parvenaient.

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