Enseignante dans une école Steiner-Waldorf, Marie* a entamé une profonde remise en question des fondements idéologiques et des croyances sur lesquels repose la pédagogie Steiner. Les mythes et concepts occultes et karmiques véhiculés, ainsi que l’idéologie racialiste inhérente à l’anthroposophie, ont provoqué chez elle une profonde réflexion sur les valeurs transmises aux enseignants et élèves au sein de ces établissements.
Désireuse de dévoiler son expérience et sa réflexion, et d’informer sur les croyances et dogmes qu’elle estime préjudiciables, Marie nous a approché pour partager son histoire et son vécu.
Voici son récit, une plongée dans les raisons qui l’ont poussée à quitter un système éducatif alternatif auquel elle avait autrefois adhéré avec passion.
Cela fait 4 ans que j’enseigne dans une école à pédagogie Steiner. Ces années ont été pour moi de véritables découvertes et un réel défi, notamment pour trouver une cohérence entre les matières enseignées et des thématiques spécifiques à chaque année, comme les contes, les fables et les grandes mythologies. Ce fut également un immense plaisir de mettre en place le projet d’une sortie hebdomadaire en forêt durant les deux premières années du cycle primaire. La pièce de théâtre sur la mythologie nordique, présentée l’année dernière, a été un véritable succès et restera gravée dans ma mémoire.
En préparant avec enthousiasme ma cinquième année, je me suis plongée dans le livre “Du sphinx au Christ” d’Édouard Schuré, recommandé pendant ma formation à la pédagogie Steiner.
E. Schuré a été membre de la société théosophique puis de l’anthroposophie, et considérait Rudolf Steiner comme son maître spirituel.
Il pense que toutes les sociétés humaines ont toujours été structurées de façon hiérarchique, une élite- des sachants- et des non-sachants. Il évoque à un moment Bouddha, selon lui un nihiliste qui ne peut avoir été engendré que par une société de fainéants. Celui-ci arrive cependant, par sa volonté consciente, à se libérer du cycle infernal des réincarnations. Le karma et le principe de la réincarnation sont partout, jusque dans l’image du cycle de vie de la plante que l’on a très souvent vue en formation à la pédagogie Steiner.
Hierarchie raciale, un héritage atlante
Je découvre l’Atlantide avec le mythe d’une première population sur terre et d’un premier être descendu du soleil qui aurait engendré les premiers hommes. Une population qui donnera naissance à 7 races-racines, dont la race aryenne, une race blanche débarquée après le déluge sur le continent européen et qui aurait migré vers l’Inde et se serait installée dans les hauteurs de l’Himalaya.
Cette race dite supérieure, une élite, possèderait la sagesse et la vérité sur l’origine du monde. Les races à la peau plus foncée, jusqu’à la peau noire, qui sont dites “dégénérées”, se retrouvaient dans les plaines du Gange. Le mythe des cygnes du Gange, que l’on me demande de lire aux élèves de 5ème année, parle de cet esprit qui descend de l’Himalaya, porté par le Gange, inondant les plaines de l’Inde, finissant dans l’Océan puis dans les profondeurs de la terre, d’où il émerge en remontant tout-en-haut de l’Himalaya.
Tout cela aurait pu éventuellement passer car je suis intéressée par la spiritualité. Je sais que ce livre a été écrit avant la 2ème guerre mondiale, et qu’il faut remettre les mots dans le contexte de son époque.
Ce qui m’a perturbée, c’est le fait que les formateurs nous donnent à lire un tel ouvrage, sans aucune discussion ouverte sur un sujet aussi sensible !
Comment lire le concept de race aujourd’hui, comment prendre du recul sur cet élitisme détenant une vérité suprême, comment interpréter la vision d’une race inférieure à la peau noire au jour d’aujourd’hui ? Même des participants à la formation qui ont lu ce livre, m’ont juste dit : « Tu verras c’est un peu bizarre mais c’est bien ».
Pour la petite histoire, Rudolf Steiner se disait capable, par des voyages astraux, de voyager dans le temps pour aller découvrir ces mystères détenus par ces races aux origines du monde, jusqu’à l’Atlantide.
Il serait en quelque sorte un héritier de cette élite, née selon eux, il y a environ 10 millions d’années.
Il est perturbant de se rendre compte, lorsqu’on lit Édouard Schuré, qu’il se considère lui aussi comme faisant partie de cette élite détenant les secrets de l’univers, croyant fermement à l’existence de l’Atlantide et à tout ce qui en découle, sans pour autant expliquer comment il est parvenu à ces conclusions. C’est compliqué de voir Schuré mélanger ce qui, selon nous, devrait être considéré comme des mythes (donc des constructions imaginaires pour expliquer les mystères du monde) avec des réalités historiques, scientifiques, et des opinions personnelles. Ce gros mélange crée un sentiment de confusion profonde.
Comment alors ne pas faire le lien avec ceux qui, en formation à la pédagogie Steiner aujourd’hui, semblent également détenir ces secrets de l’univers ?
Par exemple, un secret souvent répété lors de nos formations est le lien mystérieux entre la représentation graphique d’un arc-en-ciel et le labyrinthe de Thésée. Autour de nous, dans la salle de classe, se trouvent de multiples représentations de la lemniscate et du cycle de vie de la fleur. En outre, pendant notre formation, cette élite affirme textuellement que notre pédagogie va changer le monde. Ils insistent sur la nécessité d’agir pour aider les pauvres humains qui sont en train de mal tourner dans cette société où la science a pris trop de place.
Cependant notre société actuelle n’a jamais été aussi libre, en paix, égalitaire et solidaire, délivrée du poids de l’église, etc. Rejeter le monde dans lequel nous vivons pour n’en voir que les aspects négatifs constitue, selon moi, une profonde erreur. Cela est particulièrement vrai pour nos enfants qui sont nés dans cette société ultra connectée et porteuse d’avenir.
Depuis le début, j’ai instinctivement ressenti le besoin de ne pas me perdre dans ces formations. Je crois que j’ai vite perçu le risque d’être noyée dans ces multiples références où l’occulte est fort présent et d’y perdre ma capacité à penser par moi-même. Cependant, j’ai fait confiance dès le début à mon école, car je voyais mes collègues à l’égal de moi-même, des êtres capables de discernement.
L’idée de travailler sur un développement de l’enfant qui tienne compte de son corps, son cœur, sa pensée et son rythme, en intégrant la musique, le dessin et la peinture, ainsi que le lien à la nature, était et reste à mes yeux une manière d’éduquer et d’instruire tout à fait remarquable.
Mais je ne pensais pas devoir adhérer à l’anthroposophie. J’avais pourtant averti mes collègues dès le départ : « Je suis un être profondément libre de pensée, et je ne croirai jamais par exemple à la réincarnation ». Je souhaitais faire mienne, cette sensibilité issue d’une pensée certe occulte, donc avec beaucoup d’éléments à écarter, mais inspirante car empreinte d’une certaine sagesse.
Une transmission du dogme dissimulée
À l’école, nous avons toujours dit que nous ne devions pas enseigner l’anthroposophie aux enfants. Il m’apparaît pourtant que si. Nous l’enseignons en réalité bel et bien.
Cela commence dès la 1ère année avec les Paroles du matin; en 3ème année, avec la période de grammaire (‘d’abord il y eut le Verbe’); très clairement en 4ème (l’homme ayant toutes les qualités des animaux en lui); et certainement en 5ème avec l’Atlantide et d’autres mythes. Bien sûr, nous n’allons pas parler de races supérieures et inférieures… Quoi que, car un ou une enseignant·e pourrait très bien en parler en ces termes nauséeux, une situation qui, malheureusement, s’est déjà produite et risque de se reproduire.
J’ai pu constater que l’impossibilité de contredire ou de critiquer quoi que ce soit écrit par Rudolf Steiner, qui ne se référence dailleurs que par lui-même, ou l’un de ses semblables (actuellement de grands anthroposophes se positionnent en détenteurs des mystères de l’univers) pose un énorme problème. Cela confirme que Steiner est effectivement considéré comme un demi-dieu.
Quête de sens et perte de repères
Ma lecture, durant cet été, du livre de Schuré aurait pu ne pas attirer davantage mon attention. Cependant, il y a à peine dix jours, j’ai vu par hasard un documentaire sur les témoignages des derniers survivants de la Waffen-SS. Cette élite de l’armée nazie a grandi avec les Jeunesses hitlériennes, et explique bien comment elle avait été séduite par les discours sur la race supérieure, la race aryenne, considérée par eux comme blanche et allemande, s’appuyant sur des théories dérivées de la théosophie (dont est directement issue l’anthroposophie), qui évoquent l’Atlantide.
Il était rassurant pour ces jeunes Allemands d’entendre qu’ils faisaient partie de l’élite et d’une race supérieure, symbolisée par leurs uniformes, leurs chants, leurs rituels, leur culte du corps, et leurs symboles graphiques, y compris celui inspiré de la swastika, un symbole hindou. Comme tout cela les avait séduits, mais surtout, au final, leur avait ôté leur propre capacité de réflexion.
Comment ne pas faire le lien avec cette relation étrange à l’anthroposophie que nous entretenons dans nos écoles ?
Nous ressentons d’abord cette sensation formidable d’émerveillement devant une pensée qui semble si riche, détenant une sagesse ancienne, caressant délicatement notre ego par la pensée séduisante de détenir, nous aussi, une forme de vérité. Nous nous retrouvons ensuite emportés par l’enthousiasme de nos chants, nos rituels, nos mouvements en eurythmie, nos dessins de forme envoûtants, nos lectures de haut vol. Pourtant, cette expérience est aussi inconfortable, nous laissant continuellement nous sentir indignes face à la pensée elle-même. Moi-même, je n’y comprends pas grand-chose encore, il faudrait pour cela que je lise et relise encore le même livre ou que je retourne encore et encore aux formations à la pédagogie Steiner où on nous répète souvent les mêmes choses, en nous les présentant à chaque fois comme des vérités toutes faites, sans aucun recul ni espace pour la critique. Face à une élite qui détient les secrets de la pensée, comment ne pas se sentir indigne, et comment s’approprier réellement les choses ?
C’est écrasant, et la pression que cela impose sur nous, enseignants Steiner, a des effets extrêmement vicieux et variés pour chacun d’entre nous. C’est un phénomène que j’ai vu grandissant dans mon école : certains vont se taire et suivre les directives, d’autres deviennent colériques, pédants ou tentent de tout contrôler ; tandis que d’autres encore vivent cette expérience de manière totalement intégrée et sereine.
Les enseignants Steiner n’y comprennent pas grand-chose, mais nous appliquons les directives, tels des moutons. Cela devient le signe irréfutable que nous perdons notre pensée propre.
Lors de journées d’échanges pédagogiques avec des collègues d’une école Steiner voisine, j’ai été stupéfaite par le manque de confiance en eux de la plupart des enseignants lorsqu’ils s’exprimaient, comme s’ils avaient peur de mal faire, d’utiliser les mauvais mots. Je sentais que rien ne venait d’eux-mêmes, qu’ils tentaient de copier la méthode d’un autre, avec une naïveté et un manque de professionnalisme déconcertant. Par ailleurs, nous ne nous rendons pas compte que notre enseignement suscite une fascination comme par exemple avec les symboles à travers le dessin de forme ou que nous évoquons l’Atlantide sans vraiment savoir pourquoi, ni si nous sommes en adéquation avec cela.
Lorsque j’ai demandé un jour, par simple curiosité, pourquoi on représentait chaque année les Rois Mages en 3ème classe, il n’y eut pas de réponse parmi mes collègues, à part l’explication habituelle que « c’est toujours ainsi dans les écoles Steiner ». Par la suite, en interrogeant notre coach pédagogique, nous avons reçu des explications sur les Rois Mages et leur symbolique, à la fois intéressantes et fascinantes. Face à cela, nous avons tous réagi par un émerveillé “Oohh, comme elle en sait des choses, comme nous ne savons rien…”.
Il en fut de même pour la croix de la fête des Rameaux : nous avons eu droit à une belle explication sur la signification de la verticale et de l’horizontale. Pourtant on peut se poser la question sur le rapprochement de ce sigle à celui des Rose-Croix, un ordre secret ésotérique auquel Rudolf Steiner a appartenu et qui subsiste toujours.
D’un idéal à l’occultation
Ouvrir une école ayant des valeurs dans lesquelles on croit est un projet aussi difficile que louable. Je pense qu’il est tout aussi difficile d’en tenir les rênes pour ne pas qu’elle devienne un cheval fou, dans la façon que chacun aura de comprendre ses valeurs, ses fondements et la façon de les appliquer à travers une pédagogie.
Évoquer la lumière, comme le faisait Steiner à propos du feu sacré, pourrait aussi signifier chercher ce qui est véritablement juste pour soi, en toute âme et conscience. Nous ne vivons plus à l’époque des occultistes du XIXe siècle, nous devons évoluer.
Car il s’agit au fond de sortir du déni. Cela concerne autant le manque de transparence de l’imprégnation des croyances ésotériques de Steiner dans nos actes pédagogiques, que du déni par mes collègues d’admettre les aspects insupportables liés à la théorie racialiste de Rudolf Steiner. Cela inclut également le rejet des sciences, exacerbé par une confusion persistante entre mythe et réalité.
Avec le recul, je réalise que cette occultation subie par les parents, les élèves et les nouveaux enseignants n’est pas réellement intentionnelle de la part des collègues et des fondateurs de ce type d’école. La dissimulation est en réalité intégrée de façon structurelle. Dès notre intégration dans cet environnement, on nous a convaincus que la liberté était le but ultime.
Nous avons tous été séduits par les attraits des écoles et de la pédagogie Steiner : un beau cadre, des personnes très instruites, un volet artistique, des sorties en pleine nature, ainsi que des idées et propos édulcorées d’une éducation prenant en compte le développement intégral de l’enfant, évoquant très sommairement l’importance de la spiritualité.
Petit à petit, nous sommes pris au piège dans les méandres de la dissimulation, participant à ce système sans vraiment nous en rendre compte. Nous restons accrochés à l’idéal de liberté que l’on nous a vendu au départ comme valeur fondamentale, un véritable paradoxe où l’on ne peut que se perdre.
Comment notre moralité pourrait-elle ensuite accepter de révéler aux parents et aux élèves l’origine de la fête de la Saint-Michaël ?
Après plus de deux années passées dans l’école, personne n’avait pu m’expliquer la raison de cette mise en scène annuelle par les élèves, d’un Saint terrassant un dragon. Face à l’explication simpliste de l’image du Bien l’emportant sur le Mal et de la nécessité de se montrer courageux (ce jour-là, les élèves font une longue marche), je finis par entreprendre mes propres recherches.
Je découvris alors que les forces du Mal, représentées par le dragon, symbolisent notre monde actuel, fait de matérialisme et de rationalisme ! Et que cet Archange est une figure importante d’un monde suprasensible, peuplé d’une grande quantité d’anges organisés hiérarchiquement. Un monde suprasensible que Steiner prétend avoir côtoyé de manière tangible. Un monde parallèle avec lequel nous tentons également d’entrer en communication chaque semaine lors des cours d’eurythmie, lorsque nous reproduisons des gestes étranges avec notre corps.
Pour couronner le tout, les classes de ferme en 3ème année scolaire se déroulent chez un agriculteur anthroposophe pratiquant la biodynamie, qui n’hésite pas à montrer fièrement aux élèves médusés des cornes de vache, en les présentant comme des antennes spirituelles.
Du déni au désenchantement
Non, lorsque l’on prend conscience de tout cela, il est déjà trop tard. Nous nous mentons à nous-mêmes et nous ne pouvons plus envisager la possibilité de révéler de telles énormités aux parents ni aux élèves de l’école. Nous nous concentrons alors sur les aspects intéressants de ce que nous faisons et nous efforçons d’oublier le reste. Cela dit, je ne pense pas que ce soit très bon pour notre équilibre mental. Devoir mettre sa raison de côté n’est pas sans conséquences pour tout individu.
Quant à la liberté d’enseigner que nos écoles Steiner brandissent face aux autorités éducatives lorsqu’elles les menacent, je regrette qu’elle n’existe pas dans la réalité de notre travail d’enseignant.
Le coach pédagogique intervient en effet en amont, pour nous dire exactement ce que nous avons le droit de lire, quelles activités d’apprentissage entreprendre, voire aller jusqu’au détail sur la façon d’amener les choses, et jusqu’aux phrases qui seront écrites dans le cahier pour synthétiser les contenus. Sans oublier les aspects ésotériques des matières enseignées, qui sont parfois eux aussi retranscrits dans les cahiers par les élèves. Nous acceptons cela car nous sommes face à une personne “sachante”, alors que nous avons intégré l’idée d’être un “non-sachant”. Cela semble fou, mais c’est bien ce qu’il se passe.
Pour mieux comprendre cela, il suffit de comparer les cahiers d’élèves d’une école à l’autre et d’une époque à une autre ; ils se ressemblent tous, tant sur le fond que sur la forme.
Des parents gardés dans l’ignorance
Les parents, en quête d’une pédagogie alternative pour leurs enfants, ignorent tout de cela au moment où ils inscrivent leur enfant. Une conférence “obligatoire” est certes organisée avant les inscriptions, mais l’école ne va jamais se risquer à expliquer tout cela en détail, préférant rester en surface pour être audible.
Car, connaissant la réalité dont je viens de livrer le témoignage, je pense que peu de parents auraient encore l’envie d’y inscrire leur enfant. De plus, selon le niveau de radicalité des enseignants par rapport au dogme, les élèves vivront plus ou moins bien leur scolarité.
Ce qui est d’autant plus préoccupant lorsque l’on sait qu’un enseignant accompagne les mêmes élèves durant toutes leurs années de primaire. Si l’on ajoute à cela le fait que de nombreux enseignants sont engagés sans avoir le diplôme requis, recrutés sur la base de leur potentiel spirituel et/ou artistique, le risque pour les élèves devient intolérable.
J’ai énormément apprécié tous mes collègues enseignants et les ai parfois vus se transformer. Certes, en tant qu’enseignant, nous ne sommes pas toujours parfaits, certaines phrases, gestes, décisions peuvent parfois s’avérer malheureux. Personnellement, j’ai besoin d’être appréciée pour ce que je suis et ce que je fais, ce qui n’a plus été le cas cette année. Une attaque sournoise de parents de ma classe a ouvert une brèche… la confiance se perd.
Les enseignants le savent bien, il arrive que certains parents n’ont pas toujours les limites qu’il faudrait, ils peuvent tomber dans le harcèlement ou dans la suspicion de violence envers l’enseignant. L’école est dotée d’un Conseil particulier chargé de la lourde tâche d’embaucher des personnes, de leur distribuer un horaire et de prendre des décisions comme leur licenciement. Malheureusement, cet organe, composé de nos propres collègues, n’a pas su gérer cette situation sans émettre de jugements, là où il aurait plutôt fallu faire preuve d’empathie et offrir du soutien, tant la situation était difficile.
Des questions ont été soulevées à mon sujet, notamment :
« Est-elle “vraiment” en adéquation avec notre pédagogie ? » et « Sait-elle réellement parler à l’âme des enfants ? ». Des critiques ont également été émises concernant ma trop faible participation aux formations en pédagogie Steiner.
En tout cas, lors de la crise que j’ai vécue avec ma classe l’année passée, nous avons confondu réalité et dogme. Car tout est devenu confus, comme dans la pensée de l’anthroposophie, tout y est interconnecté et mélangé, il devient difficile de percevoir et de vivre la réalité dans sa dimension la plus humaine.
Notre métier est complexe; nous devons nous concentrer sur les enfants et sur ce que nous pouvons leur apporter, en espérant profondément qu’ils tracent leur chemin de vie dans le plus grand épanouissement possible, tout en construisant un solide socle de connaissances et d’émerveillement au monde. Cela inclut également de veiller à la cohésion et au bien-être du groupe d’enseignants, qui se dévoue chaque jour corps et âme.
C’est pourquoi j’ai décidé de retourner vers une plus grande forme d’humilité et de sérénité. Je ne veux plus jamais croire qu’il est possible de changer le monde. Je quitte donc cette école et son enseignement sans parachute de secours.
J’ai adoré ma classe et mes chers élèves, qui vont bien entendu me manquer. Je leur souhaite de s’épanouir pleinement. La vie est une belle aventure qui, même si elle n’est pas toujours des plus simples, doit être vécue avec le plus de sincérité possible.
J’espère que mon témoignage contribuera à enrichir les discussions et les réflexions au sein des écoles Steiner afin qu’elles puissent devenir plus transparentes sur les aspects problématiques liés à leur dogme et qu’elles prendront le recul nécessaire.